samedi 1 janvier 2011

Fernando Pessoa


"Du temps où je ne t'avais pas
J'aimais la Nature comme un moine tranquille le
Christ...
A présent j'aime la nature
Comme un moine tranquille la Vierge Marie,
Religieusement, à ma façon, comme auparavant,
Mais d'une autre manière plus émue et plus proche...
Je vois mieux les rivières quand je vais en ta compagnie
A travers champs jusqu'au bord des rivières ;
Assis à tes côtés si j'observe les nuages
Je les observe mieux _
Tu ne m'as pas enlevé la Nature...
Tu as changé la Nature...
Tu m'as apporté la Nature tout contre moi,
Parce que tu existes je la vois mieux, mais c'est bien
elle,
Parce que tu m'aimes, je l'aime de la même façon,
mais davantage,
Parce que tu me choisis pour être à moi et être aimée
de moi,
Mes yeux l'ont fixée en s'attardant plus longuement
sut toute chose.
Je ne me repens point de ce que je fus naguère
Car je le suis toujours.

....

L'amour est une compagnie.
Je ne sais plus marcher tout seul sur les chemins,
Parce que je ne peux plus marcher tout seul.
Une pensée visible me fait marcher plus vite.
Et voir moins, et en même temps être bien content
d'aller en voyant tout;
Même l'absence de celle que j'aime est une chose qui
se trouve en moi.
Et moi je l'aime tant que je ne sais comment la désirer.
Si je ne la vois pas, je l'imagine et je me sens fort tel
les arbres élevés;
Mais si je la vois, je tremble, je ne sais ce qu'il est
advenu de ce qu'en son absence je ressens.
Tout entier je suis une certaine force qui m'abandonne.
La réalité entière me regarde comme un tournesol, et
en son centre il y a son visage."

Poèmes païens



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